HISTOIRE DE FAMILLE

Histoire du Village Saint Barth

« Une époque ou le mètre cube d’eau douce valait
10 fois plus cher que le mètre carré de terrain »

André Charneau - constructeur du Village St Jean

Construit maison par maison sur plus d’une décennie, il épouse les formes de la colline et utilise la beauté de ses roches rouges ou grises en une mosaïque amoureuse. André Charneau, le créateur du Village, était un planteur de la Guadeloupe qui avait auparavant lancé plusieurs initiatives téméraires et fructueuses à partir de son domaine de Montéran à St-Claude. A l’esprit d’aventure, il avait prospecté en Jamaïque puis en Guyane, avant de choisir la petite dépendance de Saint-Barthélemy.

Le Village St-Jean fut son grand-œuvre, celui d’un visionnaire plein de courage et de ténacité. A une époque ou le m3 d’eau douce valait 10 fois plus cher que le m2 de terrain, il avait choisi d’acquérir un terrain en hauteur, craignant les dégâts cycloniques en bord de mer. L’île sommeillait encore, et seules quelques chambres d’hôtes étaient alors disponibles pour une clientèle confidentielle.

« 1968, quand débuta la première construction »

Histoire du Village Saint Barth

En 1968, quand débuta la première construction, la route étroite, encore simple sentier, menait vers deux petites cases un peu plus haut. Gustavia était encore parée des ruines de l’époque suédoise, et la courte piste d’aéroport n’accueillait qu’un avion par jour. De sa propriété de Petit Bourg, André Charneau fit venir par bateau à voile une grande quantité de mahogany tombé pendant les cyclones. Prévoyant, sous chacune des vingt-cinq maisons, il construisit une citerne. Mais lors de la construction, c’était une autre histoire : l’eau douce si précieuse pour la confection du ciment, venant parfois de Porto Rico par barge, montait la côte dans un grand réservoir en bois dont parfois une partie se renversait.

Aéroport de Saint Barth

Le chef d’équipe, Jean Magras, savait tout faire, et il entraînait par son exemple la quinzaine d’employés qu’il avait fait rentrer de St-Thomas, à une époque où tous les hommes étaient contraints de s’exiler pour survivre. Toutes les fondations devaient être creusées à la main. Une menuiserie fut établie sur place pour façonner les meubles dans le mahogany cuivré de Guadeloupe. Les ouvriers restèrent embauchés pendant une douzaine d’années. Excellents bâtisseurs, ils appréciaient les exigences de qualité qui les avait fait rentrer au pays, et qui respectaient leur pays et leurs coutumes.

En 1969, la première cliente américaine vint passer quelques jours ; elle fût accueillie à bras ouverts par Roger Lacour, beau-frère d’André, venu de Guadeloupe pour l’assister dans la gestion de l’hôtel. Ce fût le début d’une longue série de clients le plus souvent américains, certains connus comme Craig Claiborne, critique gastronomique du New York Times, les Van der Bilt, et tant d’autres, sans oublier Greta Garbo – qui suggéra gentiment de changer les jalousies en bois pour des jalousies de verres, si on voulait voir quelque chose dans la chambre climatisée.

Car au fur et à mesure, les clients eux-mêmes devenaient aussi plus exigeants et inspiraient les améliorations apportées dans les nouvelles villas. Pour eux, on fit venir les premières mini-mokes. Tous, clients et hôteliers, se retrouvaient le samedi soir à l’Eden Rock, au Select, Autour du Rocher, ou encore à l’Entrepont à Gustavia, dans une ambiance de pionniers privilégiés qui savouraient leur bonne fortune.

Sur la plage en contrebas, dés 1972 une cabane de pêcheurs fut transformée en « Beach Club », premier restaurant de plage de l’île; pendant une dizaine d’années il offrit des moments inoubliables à tous ceux qui le fréquentèrent, de M. Rothschild au taximan. En 1981, un nouveau restaurant d’inspiration italienne, Le Patio, plus tard « la Terrazza », fut inauguré au sein du Village pour de longues années d’un succès plus raffiné.

« Le Beach Club, fut le premier restaurant de plage de l’île  »

Histoire du Village Saint Barth

« Pendant une dizaine d’années il offrit des moments inoubliables à tous ceux qui le fréquentèrent, de M. Rothschild au taximan »

Longtemps, les locaux au pied de la route d’accès servirent de logement, réception et de boutique avant de devenir l’épicerie-traiteur Kiki&Mo, que dirige aujourd’hui IB, belle fille d’André.

En 1989, la grande citerne, précédemment menuiserie, fut transformée avec moultes difficultés, car trop solidement bâtie, en une piscine originale à la vue imprenable sur la baie de St-Jean.

Au début du Village, Gaby Charneau et les quatre enfants étaient installés à Paris pour le temps des études. En 1977, l’installation de Gaby fut possible ; elle s’occupa de la réception, passant les télex et courant dans les chambres prévenir d’un coup de téléphone, décora – c’est elle qui confectionna alors tous les rideaux de l’hôtel – ouvrit une boutique de mode et de bijoux.

Beaucoup de clients charmés de cet accueil personnalisé devinrent des habitués qui viennent encore séjourner, bien souvent en famille.

Car c’est la force du Village que d’être toujours géré par cette famille, et que la même recherche de qualité préside à l’accueil des hôtes comme il présida à la construction. Chaque client se sent chez lui, et la réception est bien souvent un salon où l’on se retrouve. L’ambiance pleine de fantaisie mais sans familiarité excessive, donne à chacun le sentiment que l’endroit l’attendait, qu’il lui appartient un peu. La petite boutique « en libre service », basée sur la confiance, est aussi pratique que la localisation même du Village, au centre névralgique de l’île.

Histoire du Village Saint Barth

Mais cette parfaite intégration des hôtes à leur hôtel et de leur hôtel à l’île elle-même ne doit pas induire une trêve dans la quête d’excellence. La deuxième génération de la famille Charneau, Catherine, Bertrand et sa femme IB, se remet en cause, recherche un nouveau positionnement, une nouvelle signalétique, un nouveau décor en respectant l’œuvre d’André. Après avoir rénové tous les cottages d’année en année, elle souhaite ne pas s’arrêter là, et redynamiser l’ambiance conviviale et chaleureuse qu’il avait su lui apporter.

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